Cependant ce changement de mentalitĂ© n'est pas arrivĂ© seul, il a Ă©tĂ© produit, par une remise en cause du systĂšme, par le doute de ce qui Ă©tait Ă l'Ă©poque une vĂ©ritĂ© dĂ©montrĂ©e. Nous pourrions donc nous arrĂȘter lĂ et en conclure que la remise en cause de certaines vĂ©ritĂ©s dĂ©montrĂ©es est quelque chose de nĂ©cessaire, quelque chose de « bien » pour l'homme est pour
Maisce nâest pas parce que nous ne pouvons pas accĂ©der Ă une telle vĂ©ritĂ© que nous devons renoncer Ă distinguer le vrai du faux, Ă Ă©laborer des savoirs susceptibles de faire lâaccord des esprits, et Ă mettre en Ćuvre les procĂ©dures de rĂ©flexion sans lesquelles lâesprit ne peut quâĂȘtre victime dâerreurs et dâillusions. Le doute, lâexamen critique, autrement dit la
Envisite à Aurillac (Cantal), mercredi 20 juin, pour dédicacer son livre Les leçons du pouvoir (Stock), François Hollande a été étonné par la présence de nombreux jeunes. Il a pris
Pourles sciences, il y a ce quâon appelle les domaines de validitĂ© : il nây pas « la vĂ©ritĂ© » mais ce quâon peut approcher le mieux Ă un moment donnĂ© de la rĂ©alitĂ© dans un domaine. Un astrophysicien qui fait des dĂ©couvertes remarquables sur les galaxies nâa rien Ă dire Ă priori sur lâHistoire, sur la biologie du cancer ou
RenoncerĂ la vĂ©ritĂ© c'est avoir conscience qu'il existe une vĂ©ritĂ© alternative capable de fragiliser l'Ă©quilibre imparfait sur lequel repose nos croyances/ vĂ©ritĂ©s/ convictions. Face Ă l'ampleur de la menace qu'une vĂ©ritĂ© alternative reprĂ©sente, certains choisissent de protĂ©ger ce fragile Ă©quilibre tandis que d'autres, prĂȘts Ă revoir leur systĂšme de valeur/ schĂ©ma de pensĂ©e
Leurattitude, plus precisement que le doute, est celle de la suspension du jugement: dans lâincertitude, on sâabstient de juger, câest-a-dire dâaffirmer. Ce doute est la conclusion de leur recherche. Apres avoir cherche a acquerir le savoir, le sceptique admet quâil est impossible de parvenir a des conclusions certaines. Son attitude sera donc desormais celle du doute. La
82D3DD. RĂ©sumĂ© du document dissertation philosophique niveau Terminale Tout d'abord, pour l'opinion commune, douter est un choix permettant de renoncer Ă la vĂ©ritĂ©, vĂ©ritĂ© unique. Douter des vĂ©ritĂ©s Ă©tablies sans preuves c'est remettre en cause leur fondement, leur caractĂšre de vĂ©ritĂ© absolue. Ensuite, pour les philosophes, douter n'est pas renoncer Ă la vĂ©ritĂ© car douter c'est rechercher la vĂ©ritĂ©, mettre en doute chaque vĂ©ritĂ© connue pour garder la plus juste des vĂ©ritĂ©s car il n'existe pas une mais plusieurs vĂ©ritĂ©s. Sommaire I Douter c'est renoncer Ă la vĂ©ritĂ© II Douter c'est faire de la vĂ©ritĂ© sa propre vĂ©ritĂ© Extraits [...] L'homme prĂ©fĂšre douter que de se trouver face Ă la rĂ©alitĂ©, renonçant ainsi Ă la vĂ©ritĂ©. De plus, arrivĂ© Ă un Ăąge mĂ»r, l'homme commence Ă se poser de nombreuses questions, Ă remettre en cause l'enseignement qu'on lui a apportĂ© ainsi que les vĂ©ritĂ©s lĂ©guĂ©es. Il s'effectue alors une remise en question de la plupart de ces vĂ©ritĂ©s et il arrive souvent que cet homme ne soit pas d'accord avec ces vĂ©ritĂ©s enseignĂ©es. C'est pourquoi, elle va renoncer Ă la vĂ©ritĂ© enseignĂ©e, celle de son enfance pour s'en rĂ©approprier une autre. [...] [...] Douter, est-ce renoncer Ă la vĂ©ritĂ© ? Tout d'abord, pour l'opinion commune, douter est un choix permettant de renoncer Ă la vĂ©ritĂ©, vĂ©ritĂ© unique. Douter des vĂ©ritĂ©s Ă©tablies sans preuves c'est remettre en cause leur fondement, leur caractĂšre de vĂ©ritĂ© absolue. Ensuite, pour les philosophes, douter n'est pas renoncer Ă la vĂ©ritĂ© car douter c'est rechercher la vĂ©ritĂ©, mettre en doute chaque vĂ©ritĂ© connue pour garder la plus juste des vĂ©ritĂ©s car il n'existe pas une mais plusieurs vĂ©ritĂ©s. Et, c'est simplement notre conscience qui choisit sa vĂ©ritĂ©, qui dĂ©tient une idĂ©e comme sa vĂ©ritĂ©. [...] [...] Or, en dehors du domaine des sciences oĂč tout est rigoureux, calculĂ©, dans lequel il n'existe qu'une seule maniĂšre de dĂ©montrer telle ou telle chose, cela est souvent impossible car chacun pense diffĂ©remment et n'aura pas la mĂȘme croyance, opinion, idĂ©e qu'une autre personne. Chacun doute constamment par mĂ©fiance, il est ainsi naturel de tout remettre en question et de se rĂ©approprier les vĂ©ritĂ©s communes. On doute de la vĂ©ritĂ© tant qu'elle n'a pas Ă©tĂ© prouvĂ©e, dĂ©montrĂ©e. En doutant on renonce donc Ă la vĂ©ritĂ© proposĂ©e. En effet, le sceptique doute car il ne peut rĂ©ussir Ă rĂ©pondre Ă la question posĂ©e mais aussi parce qu'il a renoncĂ© Ă trouver la vĂ©ritĂ© et donc finalement Ă la vĂ©ritĂ© elle-mĂȘme. [...] [...] AprĂšs avoir dĂ©montrĂ© les opinions et choisit la vĂ©ritĂ©, l'homme est capable d'argument son choix. En effet, comme le dit Descartes Discours de la mĂ©thode les choses que nous concevons fort clairement et distinctement sont toutes vraies. Le doute, renoncement au dogmatisme, permet l'ouverture Ă la vĂ©ritĂ©. En conclusion, il existe deux sortes de doute le doute sceptique qui s'analyse comme un renoncement Ă la vĂ©ritĂ©, adoptĂ© par la doxa et le doute mĂ©thodique qui permet la recherche de la vĂ©ritĂ© par le refus temporaire des opinions, adoptĂ© par les philosophes. [...] [...] C'est donc la recherche de la vĂ©ritĂ© et non pas son renoncement qui amĂšne le doute. C'est donc en doutant que l'on peut renoncer Ă la non-vĂ©ritĂ© et trouver la vĂ©ritĂ©. Ceci est illustrĂ© par le mythe de la caverne de Platon dans laquelle des hommes qui voyaient des ombres ont Ă©tĂ© trompĂ©s car ce qu'ils voyaient et qu'ils tenaient pour vrai n'Ă©tait pas le rĂ©el mais simplement une apparence. Les sens nous induisent souvent en erreur nous donnant pour vraie une vision fausse de la rĂ©alitĂ©. [...]
Selon une longue tradition, le scepticisme nâest pas une doctrine sĂ©rieuse, Ă tel point que nous pouvons nous demander sâil a jamais existĂ© de vrais sceptiques. Le sceptique affirmerait que tout est incertain, et quâil faut, par consĂ©quent, douter de tout. Quitte Ă tomber dans lâincohĂ©rence si le sceptique affirme pĂ©remptoirement quâil doute, alors, comme lâĂ©crivait Montaigne, on les tient, incontinent Ă la gorge, pour leur faire avouer quâau moins assurent et savent-ils cela, quâils doutent » [1]. Faut-il ajouter Ă cela les charges dâArnaud et Nicole, auteurs de la Logique de Port-Royal, qui estimaient que les sceptiques Ă©taient une secte de menteurs [2] ? En effet, douter de lâĂ©vidence, câest parler contre son cĆur ; câest ne pas ĂȘtre persuadĂ© par ce que nous disons lorsque nous doutons de la rĂ©alitĂ© du monde extĂ©rieur ou de truismes tels que le tout est plus grand que la partie ». Faut-il Ă©galement parachever ce piĂštre portrait par celui de Pyrrhon dâĂlis qui, selon certains tĂ©moignages [3], nâĂ©vitait aucun danger par indiffĂ©rence aux choses, pas mĂȘme les chiens enragĂ©s ou les prĂ©cipices ? Le fait mĂȘme que Pyrrhon devait toujours se faire accompagner pour pouvoir survivre montrerait que son scepticisme nâĂ©tait pas viable sur le plan pratique. Le scepticisme serait donc une philosophie de mauvaise foi, non seulement incohĂ©rente du point de vue thĂ©orique, mais aussi impraticable dans le domaine de la vie quotidienne. Cependant, de telles critiques sont-elles fondĂ©es ? Ne passent-elles pas Ă cĂŽtĂ© de lâessentiel de la sagesse sceptique ? Ă rebours de cette tradition, lâouvrage de StĂ©phane Marchand dĂ©montre quâil peut exister une philosophie sceptique cohĂ©rente qui Ă©chappe aux objections qui lui sont habituellement adressĂ©es. UnitĂ© et multiplicitĂ© des sceptiques Lâenjeu principal est dâĂ©viter le sophisme de lâĂ©pouvantail », câest-Ă -dire caricaturer une thĂšse pour ensuite mieux la rĂ©futer. Pour cela, il faut revenir aux origines antiques du scepticisme afin de comprendre prĂ©cisĂ©ment le sens et la portĂ©e des arguments sceptiques. Lâouvrage est donc avant tout une initiation Ă la pensĂ©e sceptique. Sa prĂ©sentation chronologique met autant en valeur les points communs que les diffĂ©rences entre les philosophes sceptiques. Mais lâouvrage vise Ă©galement Ă faire le point sur les dĂ©bats actuels qui portent sur lâinterprĂ©tation des diffĂ©rentes sources du scepticisme antique. Or, la principale difficultĂ© dâinterprĂ©tation vient dâabord de la multiplicitĂ© des dĂ©marches sceptiques qui nous sont parvenues via les principales sources antiques. Comme lâĂ©crit lâauteur, le scepticisme nâest pas seulement un problĂšme philosophique, mais aussi un problĂšme historique » p. 13. En effet, on distingue principalement deux mouvements qui Ă©voluent avec plus ou moins dâinfluence rĂ©ciproque le premier Ă©volue sur cinq siĂšcles et sâest formĂ© Ă partir de la figure fondatrice de Pyrrhon dâĂlis. Le vocable pyrrhonisme » se rĂ©fĂšre aux paroles et gestes de Pyrrhon qui ont Ă©tĂ© thĂ©orisĂ©s par son Ă©lĂšve Timon de Phlionte. Cette premiĂšre voie a ensuite Ă©tĂ© reprise par ĂnĂ©sidĂšme et Sextus Empiricus. La particularitĂ© de ce premier mouvement est quâil nâa pas constituĂ© une Ă©cole, au sens que peut avoir ce terme dans lâAntiquitĂ©, mĂȘme si tous se dĂ©finissent en rapport avec la sagesse enseignĂ©e par Pyrrhon. Toutefois, si le terme pyrrhonien » est souvent un autre nom pour qualifier un sceptique, tout sceptique nâest pas nĂ©cessairement pyrrhonien. Le deuxiĂšme mouvement sceptique, que lâon nomme la nouvelle AcadĂ©mie, se situe dans la lignĂ©e directe de Socrate et de Platon. Contrairement au pyrrhonisme, la nouvelle AcadĂ©mie se dĂ©veloppe au sein de lâĂ©cole la plus cĂ©lĂšbre de lâAntiquitĂ©. Or câest Ă partir dâArcĂ©silas, nouveau chef de lâĂ©cole, que dĂ©bute le tournant sceptique de lâAcadĂ©mie, et se poursuit par la succession des nouveaux chefs tels que CarnĂ©ade, Clitomaque ou Philon de Larissa. La tradition acadĂ©micienne se constitue principalement contre dâautres Ă©coles, Ă©picuriennes ou stoĂŻciennes, qui sont dites dogmatiques » par leur prĂ©tention Ă pouvoir identifier un bien ou un mal par nature, Ă dĂ©cider de la vĂ©ritĂ© dâune opinion avec certitude. Une pratique argumentative, inspirĂ©e de la dĂ©marche socratique de lâopposition dâarguments et de la rĂ©futation des thĂšses adverses, est rĂ©activĂ©e par une Ă©cole qui prĂ©serve les textes de Platon dâune lecture dogmatique. La distinction entre ces deux mouvements sceptiques est une question topique dans toutes les prĂ©sentations classiques du scepticisme [4]. Toutefois, il y a bien un projet commun qui les unit selon Sextus Empiricus Esquisses pyrrhoniennes, I, 25-30, tous les sceptiques sont dâaccord pour considĂ©rer que la philosophie est une recherche de la tranquillitĂ© en matiĂšre dâopinions et de modĂ©ration des affects. Or, le dogmatisme, en prĂ©tendant nous donner une connaissance certaine de la nature des choses, est la cause de nos troubles nous nous attachons Ă des choses dont la nature est en rĂ©alitĂ© incertaine. Par consĂ©quent, pour parvenir Ă la fin recherchĂ©e, il faut rejeter le dogmatisme. La pratique philosophique des sceptiques vise Ă dĂ©truire les erreurs des dogmatiques sans nĂ©cessairement bĂątir de nouvelles thĂšses la voie sceptique est avant tout critique. Câest en reprenant Ă la lettre les termes de leurs opposants que les sceptiques argumentent. LâunitĂ© des sceptiques est Ă©galement mĂ©thodologique afin de produire des apories conduisant les dogmatiques Ă la suspension du jugement, les sceptiques ont recours au principe dâisosthĂ©nie Ă tout argument peut sâopposer un autre argument de force Ă©gale. Or, en lâabsence dâun critĂšre pour trancher entre ces arguments, mieux vaut suspendre son jugement plutĂŽt que de sâemporter dans des illusions. Par cette suspension, les sceptiques espĂšrent ainsi obtenir la tranquillitĂ© recherchĂ©e. Lâinsaisissable connaissance La critique de lâoptimisme gnosĂ©ologique selon lequel nous pouvons connaĂźtre la vĂ©ritĂ© avec certitude nâest pas propre Ă la philosophie sceptique. Par exemple, la dĂ©marche de DĂ©mocrite De la nature, LM 27 nâest pas exempte dâune pratique du doute lorsquâil critique la connaissance des qualitĂ©s sensibles. NĂ©anmoins, cette critique Ă©tait plus un point de dĂ©part pour laisser place Ă la constitution dâune science de la nature. Or, lâauteur remarque que la pensĂ©e sceptique se caractĂ©rise par un renversement des prioritĂ©s [âŠ] nous nâentrons rĂ©ellement dans la pensĂ©e sceptique quâune fois que les prioritĂ©s se trouvent renversĂ©es, la remise en cause de la connaissance nâĂ©tant plus ni lâarriĂšre-plan, ni le moyen, mais bien le but de la pratique philosophique. Faire de la remise en cause de la connaissance et du jugement de vĂ©ritĂ© la finalitĂ© du discours philosophique, voilĂ ce qui dĂ©finit peut-ĂȘtre le mieux, en premiĂšre approche, les diffĂ©rentes sortes de sceptiques. p. 23. Cette inversion constitue une nouvelle façon de faire de la philosophie le sceptique nâest pas indiffĂ©rent vis-Ă -vis du savoir. Il est animĂ© au contraire dâune prudence extrĂȘme, si grande quâelle conduit Ă ne plus rien affirmer de peur de se tromper. Cependant, en affirmant que tout est incertain, le sceptique nâest-il pas au moins certain de cette affirmation ? Telle est lâobjection dite du dogmatisme nĂ©gatif » qui structure les dĂ©veloppements de lâhistoire du scepticisme. Selon lâacadĂ©micien ArcĂ©silas, il ne sâagit pas dâaffirmer pĂ©remptoirement que la vĂ©ritĂ© est inconnaissable et inaccessible, mais de provoquer la suspension du jugement face aux thĂšses qui se prĂ©senteraient comme vraies. Or, comme le souligne lâauteur, une telle critique suppose une nouvelle maniĂšre dâargumenter car Ă©crire, soutenir des thĂšses, discuter et rĂ©futer dâautres thĂšses, tirer des conclusions etc., nâest-ce pas reconnaĂźtre la validitĂ© du modĂšle de rationalitĂ© qui est critiquĂ© p. 24 ? Si les sceptiques se divisent sur cette question, tous admettent quâil est nĂ©cessaire de rompre avec une certaine pratique de la philosophie. Une premiĂšre rupture a lieu dans le rapport que les pyrrhoniens entretiennent avec le langage p. 119-121. Le problĂšme a bien Ă©tĂ© rĂ©sumĂ© par Montaigne Je vois les philosophes Pyrrhoniens qui ne peuvent exprimer leur gĂ©nĂ©rale conception en aucune maniĂšre de parler car il leur faudrait un nouveau langage » op. cit., p. 287. En effet, le langage est dâessence dogmatique toute proposition sâengage dans une description dâun Ă©tat du monde, une maniĂšre dont sont les choses dans la rĂ©alitĂ©. Lâexigence de se prĂ©munir contre lâerreur suppose de redĂ©finir la nature assertive du langage. Or, les paroles des Pyrrhoniens, contrairement Ă celle des AcadĂ©miciens, ne dĂ©crivent que la maniĂšre dont les choses nous apparaissent subjectivement, et ce sans soutenir dâopinions Ă propos de la nature des choses. Au lieu de dire ceci est ou nâest pas », le sceptique reformule en Ă©nonçant ceci mâapparaĂźt ou ne mâapparaĂźt pas ». Tout Ă©noncĂ© sceptique nâest donc que le compte rendu de ses propres Ă©tats subjectifs et se rĂ©interprĂšte dans le cadre dâune suspension du jugement. La deuxiĂšme rupture se produit dans un nouveau rapport Ă lâargumentation les arguments employĂ©s par le sceptique ne visent plus Ă dĂ©couvrir la vĂ©ritĂ© ou dĂ©crire une rĂ©alitĂ© objective, mais possĂšdent un usage avant tout dialectique. Le langage sceptique ne dĂ©crit pas des relations entre les mots et les choses, mais des relations entre les mots, entre des arguments qui sâopposent Ă dâautres arguments. Les mĂ©thodes dĂ©veloppĂ©es par deux figures aussi diffĂ©rentes quâArcĂ©silas ou ĂnĂ©sidĂšme ne consistent pas Ă affirmer dogmatiquement que les choses sont incomprĂ©hensibles, mais cherchent plutĂŽt Ă produire des apories sur des objets thĂ©oriques. DâoĂč lâimportance de lâusage des tropes » sceptiques, surtout dans la tradition pyrrhonienne, câest-Ă -dire des outils thĂ©oriques qui constituent une matrice dialectique mobilisable contre une thĂ©orie particuliĂšre. Nâimporte quelle thĂšse dogmatique peut ainsi ĂȘtre renversĂ©e grĂące Ă ces tropes. Lâargumentation sceptique nâa donc pas pour but dâĂ©tablir la vĂ©ritĂ© dâune proposition mais cherche Ă en Ă©tablir une rĂ©futation. Pour comprendre cette fonction strictement rĂ©futative de lâargumentation, lâauteur la rapproche du modĂšle mĂ©dical en insistant sur sa fonction psychologique p. 174-177 le but du mĂ©decin nâest pas de produire un discours vrai au sujet de la maladie, mais de guĂ©rir le patient. De mĂȘme, le but du sceptique est de nous guĂ©rir des maladies qui nous empĂȘchent de parvenir Ă la vie bonne. La question de la vĂ©ritĂ© devient alors secondaire lorsquâil faut soigner le mal que reprĂ©sente le dogmatisme. En effet, la prĂ©cipitation des affects pousse le dogmatique Ă affirmer plus que ce quâil peut vĂ©ritablement dĂ©montrer. Il sâattache Ă ses opinions comme si elles reflĂ©taient la vĂ©ritable nature des choses. Or, tout comme le mĂ©decin utilise des substances pour rĂ©tablir lâĂ©quilibre des humeurs, les remĂšdes sceptiques sont des arguments destinĂ©s Ă produire la suspension du jugement et rĂ©tablir ainsi lâĂ©quilibre dans les opinions du dogmatique. Le philosophe sceptique se tient ainsi Ă distance de la vĂ©ritĂ© dâun argument pour en faire un usage strictement persuasif. DĂšs lors, la suspension du jugement est-elle la thĂšse du scepticisme ? Si câĂ©tait le cas, ce serait encore soutenir une thĂšse dont nous sommes certains, ce qui serait Ă nouveau un geste dogmatique. Selon Sextus Empiricus, la suspension du jugement nâest pas une thĂšse propre au scepticisme elle est avant tout le point dâaboutissement dâune philosophie dogmatique qui recherche la vĂ©ritĂ© pour rĂ©pondre aux troubles de lâĂąme. Mais cette quĂȘte de la vĂ©ritĂ© sâĂ©tant avĂ©rĂ©e impossible, il serait plus sage dây renoncer. Or, au moment mĂȘme oĂč il abandonne sa quĂȘte, le philosophe dogmatique obtient ce quâil recherchait, Ă savoir la tranquillitĂ© en matiĂšre dâopinions et dâaffects. Selon lâauteur, le sceptique ne fait que suivre une Ă©thique du renoncement » qui caractĂ©rise cet abandon radical des promesses du dogmatisme p. 166-168. Cette idĂ©e est illustrĂ©e par lâimage cĂ©lĂšbre du peintre Apelle qui, nâarrivant pas Ă imiter lâĂ©cume sortant de la bouche du cheval, jeta lâĂ©ponge sur son tableau et produisit lâĂ©cume du cheval quâil cherchait Ă imiter Esquisses pyrrhoniennes, I, 28-29. Par consĂ©quent, le scepticisme se construit sur les ruines des thĂšses dogmatiques la suspension du jugement nâest jamais quâune consĂ©quence de lâĂ©chec du dogmatisme Ă fonder un art de vivre. Et comme il nây a pas de mĂ©thode pour atteindre la fin recherchĂ©e, la tranquillitĂ© de lâĂąme ne sera que fortuite. Par cette stratĂ©gie, le sceptique est assurĂ© de ne jamais dĂ©fendre des thĂšses, mais tire plutĂŽt les consĂ©quences des Ă©checs dâun itinĂ©raire intellectuel. Vivre dans lâincertitude Cette critique radicale de la connaissance a conduit plusieurs dĂ©tracteurs Ă formuler lâobjection suivante puisque le sceptique considĂšre quâil doit suspendre son jugement Ă propos de toute proposition et vivre sans opinions, ne doit-il pas ĂȘtre conduit Ă lâinactivitĂ© ? La voie sceptique nâest-elle pas alors incompatible avec les exigences de la vie, puisque pour vivre il faut agir ? Personne nâaurait alors intĂ©rĂȘt Ă suivre une philosophie qui nous enjoindrait de rester inactif. Selon lâauteur, lâobjection de lâapraxie â lâidĂ©e que le sceptique ne peut pas agir â est importante pour comprendre lâĂ©volution et les divergences de chacune des voies sceptiques, car elle implique de redĂ©finir les limites du doute. JusquâoĂč faut-il porter la suspension de lâassentiment p. 81 ? Les AcadĂ©miciens ont choisi de limiter la portĂ©e de leurs doutes en introduisant la notion de connaissance probable. La figure de CarnĂ©ade est ici centrale sans remettre en cause lâidĂ©e quâune expĂ©rience subjective dâun phĂ©nomĂšne ne peut pas ĂȘtre un critĂšre de vĂ©ritĂ©, il admet que certaines impressions que nous recevons des objets comportent bien des diffĂ©rences entre elles. Certaines sont plausibles, dâautres le sont moins. MĂȘme si ces impressions peuvent nous tromper, elles nâen sont pas moins un guide pour une action rĂ©alisĂ©e dans un contexte dâincertitude cognitive. Ce qui nâest pas un critĂšre de vĂ©ritĂ© devient ainsi critĂšre dâaction passant du vrai au vraisemblable. Par consĂ©quent, si lâAcadĂ©micien ne peut pas statuer sur le vrai, il pourra toutefois agir conformĂ©ment aux exigences de la vie pratique. La solution pyrrhonienne diffĂšre radicalement Sextus Empiricus estime que le critĂšre dâaction des AcadĂ©miciens est, in fine, un critĂšre de vĂ©ritĂ©, ce qui contredit au principe de la suspension du jugement Adversus Mathematicos, VII, 179. En effet, Ă©tablir la fiabilitĂ© des impressions, mĂȘme dans un but pratique, nâest pas diffĂ©rent du processus qui consiste Ă Ă©tablir la possibilitĂ© de la connaissance. La voie pyrrhonienne se propose ainsi de ne rien cĂ©der du point de vue de la connaissance, tout en se tenant strictement aux phĂ©nomĂšnes pour guider leur action. Or, vivre sans opinions et selon les phĂ©nomĂšnes consiste Ă suivre quatre rĂšgles tirĂ©es de notre vie quotidienne Esquisses pyrrhoniennes, I, 23-24 1 agir selon la conduite de notre nature sensible et intellectuelle ; 2 agir selon la nĂ©cessitĂ© des affects qui nous poussent Ă dĂ©sirer des biens nĂ©cessaires pour notre survie ; 3 agir selon la tradition des lois et des coutumes qui nous sont imposĂ©es par la vie en sociĂ©tĂ© ; 4 agir selon lâapprentissage des arts qui augmentent notre maĂźtrise de la nature et nous fait accĂ©der Ă la culture. Chacune de ces quatre rĂšgles sont commentĂ©es par lâauteur, mais la difficultĂ© que pose la troisiĂšme fait lâobjet dâun traitement plus particulier p. 190-193 faire de la tradition des lois et des coutumes le guide de notre vie peut sembler extrĂȘmement conformiste, voire dangereux le sceptique pyrrhonien ne nous enjoindrait-il pas de suivre les lois instituĂ©es par un tyran ou des coutumes moralement condamnables ? En sâinspirant de Sextus Empiricus Contre les moralistes, XI, 162-166, lâauteur propose une solution quâil qualifie de pragmatique » toute dĂ©cision est inscrite dans un contexte de normes dĂ©jĂ instituĂ©es et doit sâappuyer sur ce qui nous apparaĂźt Ă un moment donnĂ©. Si agir suppose dâimiter des modĂšles dâaction qui ont fait leurs preuves par le passĂ©, cela nâimplique pas que toute loi mĂ©rite dâĂȘtre suivie simplement parce que câest la loi. Une loi qui ne ferait plus ses preuves ne mĂ©riterait plus dâĂȘtre suivie. Une dĂ©libĂ©ration sur la lĂ©gitimitĂ© dâune loi peut donc avoir lieu sans se fonder sur une rĂšgle universelle dâaction, mais Ă partir dâune rĂ©flexion contextualisĂ©e et conduite au cas par cas. Devenirs du scepticisme AprĂšs les deux grands mouvements sceptiques de lâantiquitĂ©, quâen reste-t-il dans lâhistoire de la pensĂ©e ? Leur premier destin sera dâabord lâanonymat selon Richard Popkin, le scepticisme ressemble Ă une lettre anonyme que le philosophe dogmatique recevrait et qui le sommerait de lui demander dâĂ©tablir le fondement de ses assertions [5]. Le projet dâune vie sans opinions disparaĂźt ainsi derriĂšre des arguments qui deviennent des problĂšmes mĂ©thodologiques pour philosophes dogmatiques. Le scepticisme nâest plus quâun nom gĂ©nĂ©rique permettant de poser un problĂšme philosophique sans mentionner les auteurs qui lâauraient posĂ©. Le mĂ©rite de lâouvrage de StĂ©phane Marchand est dâabord dâavoir levĂ© lâanonymat des principaux sceptiques Pyrrhoniens ou AcadĂ©miciens. Mais il a aussi montrĂ© la complexitĂ© des arguments sceptiques qui sont souvent rĂ©futĂ©s rapidement Ă cause du dĂ©tachement de leur contexte thĂ©orique. Loin dâĂȘtre une philosophie dĂ©nuĂ©e dâintĂ©rĂȘt, lâauteur rappelle la pertinence des sceptiques dans la modernitĂ© scientifique p. 214 si le progrĂšs scientifique a infligĂ© une sĂ©rieuse entorse Ă lâidĂ©e que nous ne pouvons rien connaĂźtre, le scepticisme a aussi pu faire progresser la science, notamment par son renoncement Ă connaĂźtre une vĂ©ritĂ© dĂ©finitive, ainsi que par sa volontĂ© de sâen tenir aux strictes bornes de lâexpĂ©rience. Nous pouvons en revanche constater certaines ambiguĂŻtĂ©s du livre lorsquâil sâagit dâĂ©voquer le rapport des sceptiques avec la vĂ©ritĂ© dans un passage p. 176, lâauteur considĂšre que la pratique dialectique de lâopposition dâarguments nâest pas compatible avec la recherche de la vĂ©ritĂ©. Ce qui est recherchĂ© par le sceptique est la suspension du jugement qui permettra la tranquillitĂ©. La production systĂ©matique de la suspension du jugement bloque tout accĂšs au vrai et contredit ainsi lâimage dâun chercheur » qui serait animĂ© par le dĂ©sir de dĂ©couvrir la vĂ©ritĂ©. Si la lecture anti-rationaliste » de lâauteur se fonde sur des dĂ©clarations explicites de Sextus Empiricus, il a aussi conscience que la pratique argumentative des sceptiques suppose une obĂ©issance aux rĂšgles de la raison [6] sâil y a suspension du jugement, ce nâest pas parce que nous sommes indĂ©cis face Ă deux raisons dâĂ©gales valeur, mais parce quâil est rationnel de ne pas faire de choix arbitraire. Le sceptique possĂšde au moins le dĂ©sir et la facultĂ© de reconnaĂźtre la validitĂ© dâun argument pour produire la suspension du jugement une certaine vĂ©ritĂ© logique y est recherchĂ©e. Il est donc discutable dâaffirmer que le sceptique nâest pas Ă la recherche de la vĂ©ritĂ©, puisquâil reconnaĂźt bien certains principes de la raison pour dĂ©celer les contradictions du dogmatique. Outre ce point dĂ©licat dâinterprĂ©tation, la monographie de StĂ©phane Marchand intĂ©ressera non seulement les historiens de la philosophie antique, les chercheurs en Ă©pistĂ©mologie et en Ă©thique, mais aussi le public cultivĂ© grĂące Ă sa prĂ©sentation claire et pĂ©dagogique. StĂ©phane Marchand, Le scepticisme. Vivre sans opinions, Vrin, collection bibliothĂšque des philosophies », 2018, 240 p., 23 âŹ.
La philosophie se pose comme une discipline dont l'activitĂ© principale est la recherche de la vĂ©ritĂ©, la vĂ©ritĂ© au sens ultime. Le philosophe devant des constats et des insuffisances du domaine de la connaissance, s'attelle Ă acquĂ©rir la connaissance rationnelle sur les choses. La vĂ©ritĂ© paraĂźt d'abord comme une Ă©vidence, une certitude, quelque chose de logique, mais pourtant il y a des choses que l'Homme n'arrive pas Ă expliquer, comme la cause de l'univers. Le problĂšme qui se pose est que si le philosophe cherche la vĂ©ritĂ©, c'est qu'il ne la connait pas, et qu'il ne se contente pas de prendre les choses comme elles sont. Philosopher, c'est en effet, dĂ©passer les opinions, les certitudes rĂ©futables qui mĂšnent vers les erreurs. "L'erreur est humaine", cette expression populaire d'ailleurs en dit long sur ce qu'apporte l'opinion. L'opinion, c'est ce que l'on affirme sans avoir rĂ©flĂ©chi, ce qui s'oppose fortement Ă la philosophie. Le travail du philosophe est en ce sens de refuser les opinions, d'en douter. On pensait par exemple avec certitude que la terre Ă©tait plate, mais c'est en doutant de cette simplicitĂ© et de ce prĂ©jugĂ© bien rapide qu'on a rĂ©ussi Ă prouver qu'elle est en vĂ©ritĂ© ronde. Le doute semble Ă premiĂšre vue mener Ă la vĂ©ritĂ©. C'est pourquoi nous nous demanderons en quelle mesure nous pouvons le considĂ©rer comme une mĂ©thode pertinente pour la recherche de la vĂ©ritĂ©. Mais demander " dans quelle mesure", c'est demander s'il est possible de s'en affranchir et jusqu'oĂč il faut le pousser, ce sera donc le chemin qu'empruntera notre rĂ©flexion. Nous serons donc amenĂ©s dans un premier temps Ă montrer que le doute est le moteur de la rĂ©flexion philosophique avant de nous demander si nous pouvons-ĂȘtre sĂ»rs qu'il y a une vĂ©ritĂ©. Dans une troisiĂšme partie nous verrons la solution que propose Descartes au problĂšme de la vĂ©ritĂ©. Et nous terminerons en montrant que le doute est tout de mĂȘme Ă la base de cette solution. I/ Le doute est le moteur de la rĂ©flexion philosophique et la signature de l'Homme 1."Le doute est le sel de l'esprit" "Le doute est le sel de l'esprit", ainsi parlait Alain, philosophe du XX siĂšcle dans Les Ăąnes rouges. On comprend derriĂšre son propos que le doute est ce qui fait de l'Homme ce qu'il est, c'est Ă dire cet ĂȘtre qui ne se contente pas d'ĂȘtre immergĂ© dans le monde comme l'animal, mais qui se tient face Ă ce dernier de maniĂšre pensante. Le "sel" est un conservateur, donc si le doute est comme le sel, on comprend que c'est le fait que l'Homme doute qui lui confirme et qui marque le fait qu'il est capable d'intellection et de rĂ©flexion. Autrement dit, plus l'Homme doute, plus il marque son intelligence. Mais douter, c'est Ă©galement se faire violence, se rendre compte que ce que l'on croyait depuis tout ce temps, Ă©tait en fait faux. Il faut donc s'humilier. D'ailleurs, Alain affirmait clairement qu'il s'agissait d'une "violence qui nous Ă©tait faite". On comprend pourquoi Aristote dans MĂ©taphysique, place le doute comme moteur de la philosophie, il parle mĂȘme d' "Ă©tonnement". Un Ă©tonnement est un choc, une Ă©motion violente face a un phĂ©nomĂšne extraordinaire ou simplement inhabituel. Il est comparable Ă un coup de tonnerre qui viendrait nous foudroyer. Il s'agit d'aprĂšs Aristote, de la source de l'interrogation philosophique car il appelle Ă une explication rationnelle. On comprend donc que puisque l'Homme est un ignorant, le doute ne fait que lui rappeler sa condition. C'est mĂȘme selon Platon, ce Ă quoi on reconnaĂźt un philosophe "C'est la vraie marque d'un philosophe que le sentiment d' Ă©tonnement" disait-il. En s'interrogeant et en doutant, l'Homme met en service sa capacitĂ© Ă raisonner, il met donc en place des rĂ©flexions pour apporter des explications rationnelles aux phĂ©nomĂšnes. C'est en effet comme nous l'avons dit dans l'introduction en doutant que la Terre est plate, que la science a dĂ©montrĂ© qu'elle est en rĂ©alitĂ© ronde, ou encore en doutant de la vĂ©racitĂ© de ce que nous apporte nos sens, qu'on a prouvĂ© que nous voyons un univers colorĂ© lĂ oĂč il n'y a en rĂ©alitĂ© pas de couleurs. Nous venons donc de montrer l'importance, la nĂ©cessitĂ© du doute pour l'Homme. Nous avons vu qu'il prouvait son intelligence et qu'il lui rappelait sa condition. Nous avons Ă©galement vu qu'il s'agissait lĂ de la marque d'un philosophe et qu'il permettait Ă l'Homme d'ĂȘtre sĂ»r d'exister et de mettre en exercice sa raison pour atteindre la vĂ©ritĂ©. Le problĂšme qui se pose, c'est que la vĂ©ritĂ© que permet d'atteindre le doute et l'interrogation rationnelle, est une vĂ©ritĂ© par adĂ©quation, autrement dit une vĂ©ritĂ© dont l'Ă©noncĂ© est en accord avec le rĂ©el, par exemple, comme nous l'avons dit, si j'affirme que la Terre est plate, mon affirmation est fausse, car elle n'est pas en accord avec le rĂ©el. la vĂ©ritĂ© pour ce coup-ci, c'est que la Terre est ronde. Or, il y a plusieurs sortes de vĂ©ritĂ©, comme les vĂ©ritĂ©s mathĂ©matiques. Mais la philosophie est Ă la recherche de la vĂ©ritĂ© ultime, c'est Ă dire comme disait St Thomas d'Aquin, l'adĂ©quation de l'esprit et de la chose. C'est pourquoi nous allons nous demander dĂšs lors si nous sommes sĂ»rs qu'il y a une vĂ©ritĂ©. II. Sommes-nous sĂ»rs qu'il y a une vĂ©ritĂ© ? 1. L'adĂ©quation de l'esprit et de la chose est impossible St Thomas d'Aquin est le premier Ă avoir dĂ©finit la vĂ©ritĂ© comme Ă©tant l'adĂ©quation de l'esprit et de la chose. Cependant, cette dĂ©finition lĂ , pose un Ă©norme problĂšme, car pour qu'elle soit valide, il faudrait que la comparaison entre mes idĂ©es et les choses soit possibles. Or, nous n'avons jamais affaire aux vĂ©ritable choses, mais Ă la reprĂ©sentation qu'en fait notre conscience et nos sens. 2. Le monde que nous percevons est le fruit d'une synthĂšse de la conscience. "Le monde est ma reprĂ©sentation", ainsi a dit Arthur Schopenhauer dans son Ćuvre Le monde comme volontĂ© et reprĂ©sentation. On comprend bien lĂ , que nous n'avons pas accĂšs au vrai monde, mais Ă une reprĂ©sentation, une reconstitution simplifiĂ©e du monde, dont nous ne pouvons pas sortir, donc qui n'est pas vraie. Ce sont les diffĂ©rentes sensations qui, d'elles-mĂȘmes, vont s'additionner pour composer l'objet que nous allons percevoir. C'est par exemple, le toucher de la table, sa couleur et sa forme qui s'assemblent afin d'en faire la perception de cet objet. En outre, selon Descartes, les objets que nous percevons ne constituent pas l'essence, mais l'apparence et le vĂ©ritable objet, est celui qui demeure le mĂȘme par au-delĂ les variations de l'expĂ©rience sensible. Donc, percevoir un objet, ce n'est pas le sentir, mais le concevoir, donc, l'inventer en quelque sortes. Je ne verrais jamais par exemple les six faces d'un cube, car ma conscience fait la synthĂšse de tout les moments perceptifs afin d'en construire ma reprĂ©sentation. ne nous assure en ce sens que le monde existe Rien ne m'assure par consĂ©quent que le monde est bien conforme Ă ce que j'en perçois; il se pourrait mĂȘme comme l'a dit Descartes, que toute ma vie ne soit en fait qu'un songe bien liĂ© et que je sois en trais de rĂȘver tout ce que je crois percevoir aprĂšs tout rien ne m'assure que le monde ou autrui existent tel que je crois qu'ils sont, je peux donc de maniĂšre lĂ©gitime, en douter. Et s'il s'avĂšre comme l'a Ă©galement dit Descartes qu'un malin gĂ©nie me trompe dans mon existence, alors je dois renoncer Ă la vĂ©ritĂ©. Il se peut mĂȘme qu'il n'y en ait en rĂ©alitĂ© pas du tout.. Platon a affirmĂ© Ă©galement que le monde sensible Ă©tait trompeur, qu'il Ă©tait le monde de la multiplicitĂ© et du changement permanent, donc qu'il n'Ă©tait en aucun cas la vĂ©ritĂ©, et que bien au contraire, s'y attacher revenait Ă se perdre et Ă rester dans la caverne. Nous venons de montrer qu'il Ă©tait bien plus difficile qu'on le pense de dĂ©finir la vĂ©ritĂ©, Ă cause d'un obstacle causĂ© par nos sens et notre condition. Nous sommes Ă un stade de renoncement Ă la recherche de la vĂ©ritĂ© qui semble ĂȘtre peine perdu. Il paraĂźt en effet plus que nĂ©cessaire de douter compte tenu de notre perception erronĂ©e du monde. On ne peut pas se contenter de qualifier de vrai, ce que nous dictent nos sens puisqu'il s'avĂšre que notre conscience arrange tout de maniĂšre Ă nous simplifier la tĂąche. Encore une fois le doute est au cĆur de la chose. Cependant, faut-il pour autant renoncer Ă la vĂ©ritĂ© ? C'est pourquoi nous allons nous intĂ©resser dĂ©sormais Ă la solution que propose Descartes pour la vĂ©ritĂ© et le doute. III. La solution cartĂ©sienne 1. Il y a tout de mĂȘme une vĂ©ritĂ© MĂȘme si si tout nos jugements sont faux, il y a bien selon Descartes, une chose dont nous ne pouvons pas douter pour se tromper, il faut ĂȘtre; donc, je suis "Je pense, donc je suis". C'est selon Descartes, la seule proposition nĂ©cessairement vraie. C'est donc cette intuition qui devient le modĂšle de la vĂ©ritĂ©, car il ne s'agit plus de comparer mes idĂ©es aux choses, ce qui semble ĂȘtre impossible, mais mes idĂ©es Ă cette intuition certaine qu'est le cogito. Selon Descartes, toute idĂ©e Ă©tant aussi claire et distincte que le cogito est nĂ©cessairement doute est donc Ă©galement la marque d'une spĂ©cificitĂ© humaine. En effet c'est parce qu'il doute que l'Homme est sĂ»r d'exister. Pour sa philosophie, Descartes dĂ©cide de douter de tout ce qui ne serait pas clair et distinct. Il va donc jusqu'Ă douter de son propre corps et des autres Homme ainsi que le monde. Se faisant, il parvient Ă une vĂ©ritĂ© que nul ne peut remettre en question puisqu'elle a une valeur universelle. Selon Descartes, la pensĂ©e est la marque de l'existence, c'est en effet parce qu'il se met Ă douter de tout qu'il est certain qu'il pense, donc qu'il existe. Cependant, on ne peut pas mettre de cĂŽtĂ© l'hypothĂšse d'une erreur en pensant que la pensĂ©e est la preuve de l'existence. C'est pourquoi, le philosophe St Augustin, dans CitĂ© de Dieu, met en avant le rĂŽle de l'erreur, en affirmant qu'au contraire, elle confirmait le fait que l'on existe "Puisque donc je suis, moi qui me trompe, comment me puis-je tromper Ă croire que je suis, vu qu'il est certain que je suis si je me trompe ?" . dans la dĂ©marche du doute mĂ©thodique que Descartes parvient Ă cette vĂ©ritĂ© La solution cartĂ©sienne, est basĂ©e sur son doute mĂ©thodique que l'on nomme mĂȘme "hyperbolique", car ce dernier va mĂȘme jusqu'Ă douter de son propre corps, du monde et d'autrui. On comprend donc que le doute est pertinent pour la recherche et pour ce cas prĂ©cis mĂȘme la rencontre de la vĂ©ritĂ©. C'est lĂ une vĂ©ritĂ© au caractĂšre universel qui fonctionne jusqu'Ă aujourd'hui. Cependant, un problĂšme se pose toujours. La pensĂ©e de Descartes isole la conscience et la fait s'enfermer dans un solipsisme important. Avec cette vĂ©ritĂ©, nous ne sommes assurĂ© que d'ĂȘtre en tant que chose qui pense. Mais comment ĂȘtre sĂ»r qu'autrui et le monde existe afin de pouvoir sortir du solipsisme ? 3. Dieu La certitude du cogito ne me dit cependant rien d'autre hormis cela, je peux encore me prendre Ă douter de tout. Cependant, parmi toutes les idĂ©es dont je peux douter, il y a l'idĂ©e de Dieu. Or, l'idĂ©e d'un ĂȘtre parfait, est selon Descartes nĂ©cessairement parfaite; or je suis moi-mĂȘme un ĂȘtre imparfait, donc je ne peux pas de moi-mĂȘme avoir une telle idĂ©e. Si j'ai l'idĂ©e de Dieu, il faut donc que ce soit lui-mĂȘme qui l'ait mise en mon esprit, ce qui fait que je peux ĂȘtre sĂ»r que Dieu existe avant mĂȘme d'ĂȘtre sĂ»r que le monde est bien comme je le perçois. De plus, si Dieu existe, et s'il est parfait, il doit ĂȘtre bon, donc il ne peut pas avoir la volontĂ© de me tromper, et le monde doit ĂȘtre bien tel que je me le reprĂ©sente. VoilĂ la solution cartĂ©sienne, qui fait de l'existence de Dieu, le fondement mĂȘme de la vĂ©ritĂ©. En s'y appuyant, on se rend compte que l'on peut s'affranchir du doute si Dieu existe et s'il est le fondement mĂȘme de la vĂ©ritĂ©. Cependant nous allons maintenant montrer que mĂȘme cette rĂ©ponse est insuffisante car, une vĂ©ritĂ© de nature "divine", ne peut pas ĂȘtre prĂ©cĂ©dĂ©e du doute, elle doit s'imposer d'elle mĂȘme. IV. Dieu est le fruit mĂȘme du doute, donc on ne peut pas se passer du doute ne peut pas ĂȘtre le fondement de la vĂ©ritĂ© si son idĂ©e est issue du doute Comme nous l'avons dit dans l'introduction, la vĂ©ritĂ© est ce qui apparaĂźt comme une Ă©vidence. Or, une Ă©vidence n'est pas nĂ©cessairement vraie. Descartes oubli une chose dans son discours, c'est tout simplement que c'est Ă travers la dĂ©marche du doute mĂ©thodique qu'il parvient Ă l'idĂ©e de Dieu, or cela signifie avant tout, que l'Homme est un ignorant et que l'idĂ©e de Dieu n'est qu'un secours Ă son manque de connaissance sur les interrogations mĂ©taphysiques. En effet, quoi de mieux que de faire porter ses idĂ©es sur un ĂȘtre parfait dont personne ne pourra pertinemment remettre en question l'existence ? On comprend maintenant que c'est le doute des Hommes qui donne naissance Ă cet ĂȘtre qu'est Dieu, et il ne peut en ce sens pas ĂȘtre le fondement de la vĂ©ritĂ©, si l'Homme n'est pas avant tout un ignorant qui doute. 2. Si Dieu est parfait, une vĂ©ritĂ© lui provenant devrait s'imposer d'elle-mĂȘme En outre, le fait que Dieu soit un ĂȘtre parfait, pose un problĂšme qui est le suivant Puisque la vĂ©ritĂ© ultime provient de Dieu, pourquoi faut-il douter pour aller Ă son encontre ? Or, puisque Dieu est parfait, toute vĂ©ritĂ©, tout ce qui se rapporte Ă lui doit s'imposer automatiquement sans passer par un quelconque doute qui est en plus une preuve totale d'absence de foi. De mĂȘme que le discours de Descartes pose problĂšme, car selon lui, seul un ĂȘtre parfait peut avoir mit en son esprit l'idĂ©e de perfection. Or, encore une fois, si Dieu est parfait, il est impossible qu'il ait Ă©tĂ© Ă l'origine d'un ĂȘtre imparfait, et d'un ĂȘtre qui doute de son existence. 3. L'existence de Dieu est en ce sens soumise au doute de la pensĂ©e humaine Il paraĂźt dĂ©sormais clair et net que pour exister, Dieu a besoin de l'Homme. Puisque l'Homme est ignorant, il doute et a besoin de Dieu pour trouver la vĂ©ritĂ©. Cela sous-entend aussi que si l'Homme ne pense pas Ă Dieu, il n'existe pas. Il y a donc une interdĂ©pendance entre Dieu et l'Homme. Conclusion Nous nous sommes donc interrogĂ© sur la pertinence du doute pour la recherche de la vĂ©ritĂ©. Nous avons dans un premier temps vu qu'il Ă©tait le moteur de la philosophie et ce qui rĂ©vĂ©lait l'intelligence et l'exercice de la raison humaine. Puis nous nous sommes interrogĂ© sur un dĂ©tail assez important, qui est celui de la vĂ©ritĂ©, en voyant que c'Ă©tait une notion plus difficile qu'on ne le pensait, et qui pouvait peut-ĂȘtre relever de l'illusion. Mais afin de ne pas dĂ©sespĂ©rer, nous nous sommes inspirĂ© de la pensĂ©e de Descartes pour montrer qu'il y avait quand mĂȘme une vĂ©ritĂ© nĂ©cessairement vraie, celle du cogito qui nous assurait le fait d'exister. Bien que rassurant, nous avons vu que le fait d'ĂȘtre certain d'exister Ă©tait insuffisant, car nous enfermant dans un solipsisme nuisible, et nous condamnait Ă continuer Ă douter du monde et des autres, donc qu'il nous fallait aussi une assurance de l'existence du monde et des autres, pour s'affranchir et faire perdre sa pertinence au doute, c'est pourquoi nous avons fait intervenir un Dieu vĂ©race et bon, qui ne pourrait pas vouloir nous tromper, et qui serait la base de toute vĂ©ritĂ©. Nous avons bien vu lĂ que l'existence de Dieu, enlevait toute pertinence au doute pour la vĂ©ritĂ©, mais nous avons vu dans une derniĂšre partie, que la base mĂȘme de l'idĂ©e d'un Dieu, provenait du doute, et qu'en ce sens, le doute reste la chose la plus pertinente pour toute vĂ©ritĂ© quelle qu'elle soit. On pourrait pour terminer, ajouter que le doute fait partie de l'Homme en vue du fait qu'il est douĂ© de raison. Il ne peut pas se limiter Ă accepter les choses telles qu'elles sont, il doit absolument apporter des explications rationnelles aux phĂ©nomĂšnes. Qu'il s'agisse de l'erreur, de la vĂ©ritĂ©, ou de Dieu, on ne peut pas atteindre ces notions sans avoir doutĂ© avant.
PubliĂ© le mercredi 25 mars 2020 Ă 18h12 France Culture Ă©ducation. Vivons-nous dans l'illusion ? Est-il possible d'atteindre la vĂ©ritĂ© grĂące Ă la mĂ©thode cartĂ©sienne ? Peut-on vivre une vie de mensonges ? GrĂące Ă huit Ă©missions de France Culture, rĂ©visez vos connaissances philosophiques sur la notion de vĂ©ritĂ©, jusque dans ses acceptions trĂšs contemporaines. La vĂ©ritĂ© est la correspondance entre ce que je dis, et ce qui est elle sâoppose donc Ă la faussetĂ© â au sens dâerreur, mais aussi de mensonge. DĂ©tenir la vĂ©ritĂ©, câest donc Ă©noncer un discours objectif qui correspond Ă la rĂ©alitĂ©. Ainsi, pour trouver la vĂ©ritĂ©, nous sommes confrontĂ©s au dĂ©fi de dĂ©passer notre subjectivitĂ© - câest-Ă -dire non seulement les croyances, les prĂ©jugĂ©s, les opinions qui constituent notre personnalitĂ©, mais aussi le sensible tel quâil nous apparaĂźt, car il peut ĂȘtre source dâillusions. En effet, rien ne nous autorise Ă considĂ©rer que la rĂ©alitĂ© se limite Ă ce que nos sens nous en disent ! Alors, comment ĂȘtre sĂ»r quâil y a autre chose que des opinions subjectives sur le monde ? Comment ĂȘtre certain que ce que lâon croit vrai nâest pas quâune opinion masquĂ©e ? Est-il possible de parvenir Ă un savoir objectif et universel ? Ou bien un jugement est-il toujours lâexpression dâune croyance subjective et relative ? Pour enrichir vos connaissances en philosophie, ou les rĂ©viser, nous vous proposons de réécouter une sĂ©lection d'Ă©missions des "Chemins de la philosophie" consacrĂ©es Ă la notion de vĂ©ritĂ©. Dans le cadre de l'opĂ©ration Nation Apprenante, en partenariat avec le MinistĂšre de lâEducation nationale et de la Jeunesse, cette prĂ©sentation d'Ă©missions sera suivie d'une prĂ©cision sur le niveau scolaire auquel elle peut faire Ă©cho. Que cela n'empĂȘche pas les plus curieux d'y jeter une oreille... 1. Platon. Vivons-nous dans lâillusion ? 58 min LâallĂ©gorie de la caverne est sans doute le plus connu de tous les textes de la philosophie occidentale. Livre quasi autonome Ă l'intĂ©rieur de La RĂ©publique de Platon, cette parabole, qui fait des hommes ignorants les prisonniers dâune grotte, pose de nombreuses questions toujours ouvertes. Cette Ă©mission fait le point sur un texte fondateur que l'on ne cesse de redĂ©couvrir. 2. Descartes. Comment atteindre la vĂ©ritĂ© ? 4 x 58 min RenĂ© Descartes, l'un des pĂšres de la philosophie moderne, publie en 1637 le Discours de la mĂ©thode qui prĂ©sente avec clartĂ© quatre rĂšgles permettant de parvenir Ă la vĂ©ritĂ©. Comment cet ouvrage nous Ă©claire-t-il sur cette fameuse mĂ©thode cartĂ©sienne ? Quatre Ă©missions consacrĂ©es Ă cet ouvrage fondateur de l'histoire de la philosophie, et aux malentendus auxquels il a aussi donnĂ© lieu. 3. Hume. Le savoir, une croyance devenue habituelle ? 58 min Frappez une boule de billard que se va-t-il se passer ? Va-t-elle heurter les autres ? En ĂȘtes-vous sĂ»r ? De lâhabitude dĂ©coule la croyance⊠Le philosophe Ă©cossais David Hume 1711-1776 remet tout en question systĂ©matiquement, et fait de cette expĂ©rience le socle de sa pensĂ©e "sceptique". 4. Husserl. VĂ©ritĂ© des sciences, vĂ©ritĂ© de lâexpĂ©rience vĂ©cue 58 min La postĂ©ritĂ© dâEdmund Husserl 1859-1938, est immense. Le philosophe autrichien est le fondateur dâune mĂ©thode philosophique sans prĂ©cĂ©dent la phĂ©nomĂ©nologie. Son but ? Retourner aux choses elles-mĂȘmes⊠Mais s'il faut revenir au monde, cela signifie-t-il que nous en sommes "partis" ? 5. Devient-on quelqu'un d'autre quand on ment ? 58 min Le mensonge nâest pas seulement une parole professĂ©e, c'est aussi une sĂ©rie de gestes, dâattitudes, de comportements. Et si, en fonction de notre capacitĂ© Ă maĂźtriser le langage, le mensonge peut demeurer imperceptible, le corps lui, souvent ne ment pas. Mais au fait, mentir est-il forcĂ©ment une mauvaise chose ? 6. Sartre. Sommes-nous tous de mauvaise foi ? 58 min Sommes-nous tous de mauvaise foi ? A cette question, le philosophe Jean-Paul Sartre 1905-1980, rĂ©pondait par l'affirmative, car pour lui, nous sommes prĂ©cisĂ©ment cet ĂȘtre qui n'est pas ce qu'il est, qui ne coĂŻncide pas avec lui-mĂȘme. Au programme des classes de Terminale Et pour aller plus loin... Aristote et Platon. Faut-il prĂ©fĂ©rer lâamitiĂ© Ă la vĂ©ritĂ© ? 58 min Aristote et Platon nâĂ©taient pas Ă proprement "amis" mais ils se sont cĂŽtoyĂ©s au IVe siĂšcle avant et ont fait de lâamitiĂ©, ou de la philia, une notion centrale de leur rĂ©flexion. Cette Ă©mission propose de faire le point sur ce que l'on entend par le mot ami dans lâAntiquitĂ© grecque. Peut-on renoncer Ă lâexigence de vĂ©ritĂ© ? 58 min La notion de post-vĂ©ritĂ© accompagne aujourd'hui tous les discours et alimentent les dĂ©bats. Serait-elle le signe dâune agonie de la notion de vĂ©ritĂ© ou le symptĂŽme de sa perte ? Vous trouvez cet article intĂ©ressant ? Faites-le savoir et partagez-le.
.../... Transition dans ces diffĂ©rentes formes de doute, l'idĂ©e de vĂ©ritĂ© est maintenue mais de maniĂšre nĂ©gative, comme une rĂ©alitĂ© idĂ©ale Ă laquelle la raison n'a accĂšs que partiellement. Mais renoncer, n'est-ce pas finalement renoncer Ă la vĂ©ritĂ© elle-mĂȘme ? II. Renoncer Ă dire la vĂ©ritĂ© c'est renoncer Ă la vĂ©ritĂ© En effet, 1. Il n'y a de vĂ©ritĂ© que dans le jugement c'est-Ă -dire le langage ; renoncer Ă dire la vĂ©ritĂ©, c'est renoncer Ă la vĂ©ritĂ© 2. Renoncer Ă l'idĂ©ale de vĂ©ritĂ©, ce n'est pas douter ; c'est renoncĂ© Ă rechercher la vĂ©ritĂ©, Ă penser, Ă s'interroger, Ă reconnaĂźtre la pensĂ©e rationnelle comme capable d'Ă©laborer des vĂ©ritĂ©s universelles. Mots clĂ©s âą douter ĂȘtre dans l'incertitude, hĂ©siter, soupçonner. Le doute est un Ă©tat d'incertitude qui se traduit par un refus d'affirmer ou de nier. On distingue plusieurs formes de doutes - le doute scientifique le savant met Ă l'Ă©preuve ses hypothĂšses ; - le doute sceptique, radical, permanent ; - le doute mĂ©thodique, radical mais provisoire. L âą renoncer abandonner, ne plus espĂ©rer, renier. âą vĂ©ritĂ© ce Ă quoi l'esprit peut donner son assentiment, connaissance conforme au rĂ©el. Ce qui est vrai est certain, incontestable. 1 - Quand et par quoi le doute est-il justifiĂ© ? 2 - Douter, est-ce la mĂȘme chose que nier ? 3 - Trouvez des exemples oĂč douter consiste Ă renoncer Ă autre chose qu'Ă la vĂ©ritĂ©. 4 - Trouvez des exemples oĂč l'on doute au nom de la vĂ©ritĂ©. Qu'appelle-t-on vĂ©ritĂ© dans ce cas ? Le doute suspend le jugement. Mais, rĂ©server son jugement signifie-t-il un arrĂȘt dĂ©finitif dans la recherche de la vĂ©ritĂ© ? N'y a-t-il pas une maniĂšre de douter qui conduit sur le chemin de la vĂ©ritĂ© ? [Introduction] L'homme ,est un animal douĂ© de raison. La cĂ©lĂšbre phrase de Descartes qui ouvre le Discours de la mĂ©thode nous lerappelle Le bon sens est la chose du monde la mieux partagĂ©e ». Bien avant Descartes, CicĂ©ron affirmait Vivereest cogitare, Vivre c'est penser ». Cette raison cherche des certitudes. Quel est alors le rĂŽle du doute dans cettequĂȘte de la vĂ©ritĂ© ? L'exercice du doute construit-il ou fait-il renoncer Ă la vĂ©ritĂ© ? La recherche de la vĂ©ritĂ© peut-elle se passer du doute ? [I - Le doute sceptique l'errance de la raison] Le scepticisme est dĂ©fini par Lalande comme La doctrine d'aprĂšs laquelle l'esprit humain ne peut atteindre aveccertitude aucune vĂ©ritĂ© ». L'esprit se dĂ©clare incapable d'affirmer ou de nier quoi que ce soit. le scepticisme absolu des pyrrhoniens et de leurs disciples n'est pas un point de dĂ©part mais une conclusion âlaconclusion d'Ă©chec- au terme de l'aventure du avait groupĂ© les arguments sous dix titres ou tropes que Sexus Empiricus rĂ©duisit Ă cinq. Il fautconnaĂźtre ces arguments qu'on retrouve chez Montaigne, chez Pascal et chez Anatole France. a La contradiction des opinions. Les sophistes grecs frappĂ©s par la contradiction des opinions des philosophes par exemple HĂ©raclite disait que lerĂ©el n'est que changement, alors que ParmĂ©nide niait le changement aboutissent Ă la conclusion pessimiste que lavĂ©ritĂ© qui devrait ĂȘtre universelle est inaccessible. Les sceptiques ont Ă©tĂ© parfois de grands voyageurs qui, Ă forced'avoir vu les gens les plus divers professer des opinions contradictoires, adopter des valeurs diffĂ©rentes, ne croientplus Ă rien. Pyrrhon avait par exemple accompagnĂ© le conquĂ©rant Alexandre dans un grand nombre de sesexpĂ©ditions. Montaigne avait visitĂ© l'Allemagne, l'Italie, mais avait surtout dans sa librairie » voyagĂ© parmi dessystĂšmes philosophiques innombrables et tous diffĂ©rents. Pascal reprend les thĂšmes de Pyrrhon et de Montaigne VĂ©ritĂ© en deçà des PyrĂ©nĂ©es, erreur au-delĂ . » b La rĂ©gression Ă l'infini. Une vĂ©ritĂ© ne peut pas ĂȘtre acceptĂ©e sans preuves comme telle car il n'existe pas un signe du vrai comparable Ă la marque imprimĂ©e sur le corps des esclaves et qui permet de les reconnaĂźtre quand ils sont en fuite. » Mais si jepropose une preuve pour une affirmation, le sceptique me dira Prouve ta preuve ». ainsi la preuve qu'on apportepour garantir l'affirmation a besoin d'une autre preuve et celle-ci d'une autre Ă l' connaĂźtre la moindre chose je suis d'autre part contraint de remonter Ă l'infini, c'est-Ă -dire de mettre ce donnĂ©en rapport avec une infinitĂ© d'autres faits. Car chaque chose est relative Ă toutes les autres et pour connaĂźtre lemoindre objet il faudrait connaĂźtre son rapport avec tout l'univers. Nous ne connaissons le tout de rien, ce quirevient Ă ne connaĂźtre rien du tout. c La nĂ©cessitĂ© d'accepter des postulats invĂ©rifiables. Ne pouvant remonter de preuve en preuve Ă l'infini, l'esprit accepte toujours sans dĂ©monstration un point de dĂ©partqui est une simple supposition et dont la vĂ©ritĂ© n'est pas garantie. d Le diallĂšle les uns par les autres. Il n'est pas possible de raisonner en Ă©vitant les cercles vicieux ». Ainsi, je dĂ©montre que a est vrai en supposant best vrai et je dĂ©montre que b est vrai en supposant que a est vrai. Je commets un cercle vicieux en dĂ©montrant lesunes par les autres des propositions dont aucune n'est fondĂ©e a priori. Le cercle vicieux par excellence est celle-ci pour prouver la valeur de ma raison, il faut que je raisonne, donc prĂ©cisĂ©ment que je me serve de cette raison dontla valeur est en question ! Nous voilĂ , comme dit Montaigne, au rouet ». e Toute opinion est relative. L'homme est la mesure de toute choses » formule qu'Anatole France interprĂ©tait ainsi L'homme ne connaĂźtra de. »
douter est ce renoncer à la vérité